LES RÉGULATEURS SONT PENCHÉS SUR LE RISQUE SYSTÉMIQUE… ET N’EN FINISSENT PAS ! par François Leclerc

Billet invité.

Faisant écho au monde bancaire qui réclame un cessez-le-feu sur le front de la régulation, le Comité de Bâle joue l’apaisement dans son dernier rapport. Les 98 plus grandes banques objet de sa dernière étude ont atteint ou dépassé les exigences minimales de ratio de fonds propres à la fin juin 2014, annonce-t-il, les établissements identifiés comme systémiques devant encore atteindre leur ratio propre mais s’en approchant. Les mégabanques ont également continué de progresser afin de disposer d’un coussin de liquidités leur permettant de faire face à une crise de liquidité de trente jours. Bref, nous sommes sur la bonne voie !

Mais cela serait trop beau, car les régulateurs n’en n’ont jamais fini, placés devant la montée en puissance d’un nouveau danger systémique. Il est apparu au sein d’un autre monde dont le volume d’activité s’est considérablement accru et qui connait une forte concentration, celui des méga fonds d’investissement. Quelle pourrait en être cette fois-ci la cause ? La remontée du taux principal de la Fed pourrait précipiter une panique sur le marché obligataire, en raison de l’afflux des ventes, aboutissant à un nouveau blocage des transactions financières. Certes, les avis à ce sujet sont partagés – certains mettant l’accent sur les « conséquences dévastatrices » de la remontée du taux directeur de la Fed, d’autres exprimant leur confiance dans la capacité des fonds d’investissement à absorber le choc – mais nous vivons dans un univers formellement régit par le principe de précaution impliquant d’agir préventivement en tout état de cause…

Par quelles dispositions contenir ce nouveau risque ? En répliquant le schéma de renforcement des fonds propres et du coussin de liquidité utilisé pour les banques, comme les régulateurs en ont eu pour commencer l’intention ? Quoique l’on en pense, les grands gestionnaires de fonds s’y sont opposés avec succès. En édictant d’autres mesures spécifiques de régulation, mais lesquelles ? Des stress tests des fonds d’investissement pourraient être organisés, dont les résultats dépendent toujours des présupposés et de l’analyse. Les sorties de capitaux des investisseurs pourraient aussi être contingentées, afin de les limiter. Les gestionnaires des fonds d’investissement pourraient enfin être dans l’obligation de communiquer régulièrement leur situation de trésorerie afin d’apprécier leur capacité de résistance. Mais comment évaluer le risque auquel ils sont exposés via les produits dérivés ?

La réflexion ne fait que s’engager, en retard sur l’événement comme à l’accoutumée. Les régulateurs vont prendre leur temps, commençant par déterminer les critères d’identification des fonds d’investissement plus particulièrement systémiques, pour ensuite seulement entrer dans le vif sujet. Mais la Fed ne va pas attendre pour engager la hausse de son taux directeur, annoncée pour démarrer en juin prochain. Advienne que pourra ! A toutes choses malheur est bon : cela va au moins permettre de départager ceux qui en craignent les effets de ceux qui prétendent qu’ils seront maitrisés… Mais cela montrera encore une fois que les régulateurs n’anticipent pas les problèmes et laissent la porte grande ouverte à de nouveaux accès aiguës de la crise financière.